Madame la Ministre, Vous avez annoncé récemment votre intention de réformer les enseignements des langues et cultures d’origine (Elco) en les intégrant totalement aux programmes scolaires de l’Education nationale. Cette mesure nous réjouit dans la mesure où elle correspond à ce que les associations culturelles amazighes (berbères) de France réclament depuis plus de 15 ans car ces enseignements étaient assurés de manière tout à fait aberrante, dans les écoles de la République par des enseignants étrangers, appliquant des programmes éducatifs de gouvernements étrangers.
De plus, pour ce qui nous concerne en tant que Franco-Amazighs, les Elco assurés par les gouvernements algérien, marocain et tunisien, sont totalement dédiés à l’apprentissage de la seule langue arabe et au « catéchisme islamique » comme l’a constaté un rapport du Haut Conseil à l’Intégration en 2013.
La langue et la culture amazighes sont totalement exclues de ces enseignements alors que la communauté amazighe en France originaire des trois principaux pays d’Afrique du Nord, est très ancienne et forte d’environ deux millions de personnes. Votre réforme, Mme la Ministre, devait donc non seulement intégrer pleinement les Elco dans le système éducatif français mais aussi et en même temps, corriger cette grave discrimination contre la langue et la culture amazighes.
Or, au cours des derniers mois, devant l’Assemblée nationale et face aux médias, vous n’avez fait qu’insister sur la nécessité de l’enseignement de la langue arabe et ce, dès la première année scolaire (CP), comme si c’était la seule langue issue de l’immigration ! Comment pouvez-vous ignorer et exclure la langue amazighe, deuxième langue parlée en France, après le français, avec ses deux millions de locuteurs ? (*).
Pourquoi ce sévère ostracisme et cette grave discrimination exercés contre la langue et la culture d’une communauté amazighe de France dont vous faites partie, vous Mme la Ministre et vos parents, et qui a tant donné à ce pays depuis plus d’un siècle ? Pour ce qui nous concerne, nous Amazighs de France, nous n’acceptons ni le fait que nos enfants soient les seuls à être privés de leur langue et culture d’origine, ni qu’ils soient araboislamisés de force par l’école de la République !
La France a d’ailleurs déjà récolté les fruits amers de sa politique d’exclusion de la culture amazighe, une culture pourtant ouverte et laïque. Mais que l’on ne s’y trompe pas : notre action ne vise nullement la langue et la culture arabes, qui comme bien d’autres langues et cultures, sont tout à fait respectables. Ce que nous n’acceptons pas, c’est l’assimilation forcée à laquelle nous sommes soumis.
En conséquence, la langue amazighe doit bénéficier d’au moins une égalité de traitement par rapport aux autres langues issues de l’immigration. Aussi, si les nouveaux enseignements des langues et cultures d’origine sont mis en place dans les programmes de l’Education nationale dès la rentrée de septembre 2016, il serait incompréhensible et violemment discriminatoire que la langue et la culture amazighes n’en fassent pas partie. Nous serons particulièrement vigilants sur ce point. Madame la Ministre, vous êtes sûrement informée du racisme et des discriminations que subissent les Amazighs ainsi que leur langue et leur culture dans les pays d’origine notamment en Algérie, au Maroc et en Tunisie.
Nous sommes persuadés que vous conviendrez que ce racisme et ces discriminations ne doivent en aucun cas se poursuivre ici en France et encore moins avec l’aide de l’Etat français. Afin d’évoquer plus amplement ce sujet et vous présenter nos solutions de mise en place des enseignements de langue et culture amazighes au même titre que les autres langues issues de l’immigration, nous demandons à vous rencontrer dès que possible. Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de notre parfaite considération.
(*) D’après la Délégation Générale à la langue française et aux langues de France.
P/Le Collectif National des Amazighs de France Le Comité de suivi
Copie à : - François Hollande, Président de la République - Manuel Valls, Premier Ministre