Les habitants des villages qui forment la Commune de Anergui, province de Azilal, dans le Haut-Atlas, comme dans bien d’autres villages de cette région montagneuse, vivent depuis toujours privés des éléments de base nécessaires à l’amélioration de leurs âpres conditions de vie
pas de route, uniquement des piste et des sentiers, des réseaux électrique et d’eau potable absents ou défaillants, l’édifice qui tient lieu de dispensaire n’est pas équipé et le collège le plus proche se trouve à 56 km, sans internat, ce qui rend impossible la poursuite d’études après l’école primaire, surtout pour les filles. Plus de 60 ans après l’indépendance du Maroc, des générations de jeunes montagnard-es sont ainsi discriminées, sacrifiées. Dans ces territoires amazighs laissés à l’abandon, on peut mourir faute de soins, de froid ou emporté par une rivière en crue parce que le développement n’est pas arrivé jusqu’ici. Les autorités locales, provinciales et régionales ont été alertées à maintes reprises mais en vain.
C’est finalement le silence méprisant des autorités qui a poussé le 9 février dernier, environ un millier d’habitants de Anergui, hommes et femmes, dont des enfants et des personnes âgées, sur les 100km de pistes et de routes de montagne, jusqu’au siège de la Wilaya à Ait-Mellal (Beni-Mellal). Leur but était de pousser leur cri de colère face aux autorités régionales et au gouvernement qu’ils tiennent pour responsables de leur marginalisation.
Pendant plus de deux jours, ils ont bravé la pluie, le froid, la faim et la fatigue, pour pouvoir atteindre l’objectif qu’ils se sont fixés. Aux portes de Ait-Mellal, ce sont les forces auxiliaires et les gendarmes qui les attendaient pour essayer de les bloquer à l’extérieur de la ville. Puis, devant le nombre impressionnant de manifestants, les forces de sécurité ont fini par céder. Les marcheurs sont donc arrivés après deux jours d’un pénible périple, devant le siège de la Wilaya, mais le dialogue avec les autorités a tourné court. Aucune réponse, aucune solution satisfaisante n’ont été proposées aux habitants de Anergui qui ont alors décidé de camper sur place, dans des conditions très précaires. Les autorités marocaines semblent opter pour la stratégie du pourrissement qui consiste à laisser les manifestants attendre jusqu’à ce qu’ils soient épuisés et alors ils retourneraient chez eux comme ils étaient venus.
Les soutiens aux marcheurs, citoyens et associations, s’organisent pour prêter assistance aux manifestants de Anergui en leur apportant notamment des vivres et des couvertures.
Pendant ce temps, les habitants de Communes voisines confrontés aux mêmes problèmes, notamment liés à l’absence d’infrastructures de base, comme à Tilouguite ou à Tifert N’Ait-Hemza, ont entamé diverses actions de protestation (grèves, sit-in…) afin de tenter de se faire entendre.
Ces actions de révolte qui se manifestent sur la place publique témoignent notamment de l’absence d’écoute et de dialogue de la part du gouvernement et de ses représentants locaux. Elles mettent également en lumière une fois de plus, le délaissement par l’Etat, de tout ce qui est considéré comme le « Maroc inutile ». Or il se trouve que ces territoires là, sont des territoires amazighs (Atlas, sud-est, Souss, Rif). Il s’agit donc là, manifestement d’une politique discriminatoire, ségrégative qui vise à maintenir les Amazighs du Maroc toujours dans un état de sous-développement (Bled Essiba).
Il appartient alors au CMA comme à toute association ou ONG de dénoncer vigoureusement ce racisme d’Etat au Maroc.
Paris, 2/02/2967 – 14/02/2016
P/le Bureau du CMA
Kamira Nait Sid, Présidente