Après près de 23 mois de détention préventive injustifiée et en dehors de toute légalité et de mauvais traitements infligés aux prisonniers durant leur incarcération, Kamel-Eddine Fekhar et ses co-détenus ont été présentés le 24 mai 2017 devant le juge du Tribunal criminel de Médéa.
Ils étaient notamment poursuivis pour «incitation à la haine et à la violence», «attroupement illégal», «attroupement armé», « tentative de renverser le régime politique» et «atteinte à la sûreté de l’Etat et à l’unité du territoire national». Ces graves accusations sont passibles de la peine capitale.
Il est important de noter qu’aucun prévenu n’a été arrêté en flagrant délit et que d’après les avocats de la défense, le dossier de l’accusation ne comporte aucun élément de preuve. Le fait que Kamel-Eddine Fekhar ait créé le « Mouvement pour l’Autonomie du Mzab », qu’il ait écrit au Secrétaire Général de l’ONU pour lui demander la mise sous protection du peuple At-Mzab ou qu’il ait déclaré que « les autorités algériennes sont dictatoriales, corrompues, criminelles, répressives et partiales en faveur des arabes », relève tout simplement de la liberté d’expression et d’opinion. Dans un communiqué commun publié le 29 mai 2017, les ONG Human Rights Watch, EuroMed Rights, Amnesty International et Front Line Defenders ont déclaré qu’«aux termes des obligations internationales de l'Algérie, personne ne devrait être poursuivi en justice pour avoir plaidé pacifiquement pour les droits de minorités, y compris pour une autonomie régionale ou pour l'indépendance». Les ONG ajoutent que «le rapport de la chambre d'inculpation ne comporte aucun élément de preuve établissant que Kamaleddine Fekhar ou l'un quelconque de ses co-accusés auraient planifié ou perpétré le moindre acte de violence».
Il ne s’agit donc pas d’un procès ordinaire, de droit commun, mais d’un procès politique. D’ailleurs lors de l’audience, le Procureur général le confirme indirectement puisqu’il accuse Kamel-Eddine Fekhar et ses compagnons d’avoir «fait appel à l’intervention étrangère, de militer pour l’autonomie du Mzab et de porter atteinte à l’unité nationale…». Justement, les avocats de la défense, Maitres Salah Dabouz, Mokrane Ait-Larbi et Mestafa Bouchachi ont tour à tour mis en évidence l’absence de preuves de la culpabilité des prévenus et dénoncé «un procès stalinien» qui vise à interdire aux citoyens d’exprimer leur opinion. «Ceux qui portent atteinte à l’unité nationale sont ceux qui ont ordonné l’arrestation de ces personnes», ont conclu les avocats.
Après les délibérations, le Tribunal a condamné : Kamel-Eddine FEKHAR, Kacem SOUFGHALEM, Mahfoud BABA-OUSMAIL, Brahim SRIAA et Mohamed CHEKEBKEB, à 5 ans de prison dont 2 ans ferme et 100000 dinars (1000 €) d’amende ; Cheikh-Ami-Brahim FEKHAR, Ahmed DADDI-BABA et Aoumeur BOUHDIBA, à 4 ans de prison dont 14 mois ferme et 100000 dinars d’amende ; Bakir SOUFGHALEM, Yagoub OUIROU, Aissa OUIROU, Slimane CHEKEBKEB, Mohamed NACER, Salah BABAOUYOUB, Brahim OUYABA, Mostafa OUYABA, Slimane ADDAOUD, Bahmed MOUSAOUALI, Aissa TABBAKH et Nacer HADJ-SAID, à 3 ans de prison dont 18 mois ferme et 100000 dinars d’amende ; Brahim ABBOUNA, à 3 ans de prison dont 8 mois ferme et 100000 dinars d’amende ; Salah KERBOUCHE, à 3 ans de prison dont 9 mois ferme et 100000 dinars d’amende ; Said FEKHAR, Moussa TABBAKH, Aissa CHEKEBKEB, Said BOULENACHE, Aissa MAARAD, Sofiane GOUMGHAR, Slimane HADJ-SAID, Hammou BENYAKOUB, Aissa BOUROUROU, Hocine BABAOUYOUB, Salah ELALOUNI, Brahim CHEKEBKEB, Mostafa CHERAITE, Baamour BALLA, ont été acquittés.
Le Congrès Mondial Amazigh (CMA) considère que tous les détenus du Mzab sont des détenus politiques qui ont été punis sans motif légitime et sur une base raciale. Le CMA rappelle également la situation tragique de dizaines de Mozabites qui ont été forcés à fuir l’Algérie pour échapper à ses injustices et qui sont actuellement réfugiés en Europe ou dans les pays voisins. Ils ont été brutalement arrachés à leurs familles sans possibilité de les revoir avant combien de temps ? Le CMA exige l’abandon de toutes les poursuites les concernant et dénonce fermement une nouvelle fois la détention arbitraire des Mozabites, leurs condamnations abusives qui ont engendré des deuils et des blessures profondes infligés aux At-Mzab. Le CMA somme également le gouvernement algérien de lever l’état d’exception mis en place dans la vallée du Mzab et de cesser son acharnement contre le peuple At-Mzab et contre l’ensemble des Amazighs de ce pays.
La Communauté internationale doit condamner fermement les graves violations des droits humains commises par l’Etat algérien et exprimer au minimum son soutien au peuple At-Mzab et sa totale désapprobation des méthodes tyranniques algériennes qui endeuillent, exilent et sèment le désespoir.
Paris, 17/05/2967 – 29/05/2017
La Présidente
Kamira Nait Sid