La fin du mois de janvier et le début de février 2018 ont connu une vague de grand froid au Maroc. La neige est tombée en grande quantité notamment sur les reliefs de l’Atlas, bloquant des centaines de voyageurs sur les routes, isolant des dizaines de villages et paralysant la vie dans toute la région montagneuse de l’Atlas.
Les habitants ont également été confrontés aux coupures d’électricité, à la pénurie et à la flambée des prix du bois de chauffage et des denrées alimentaires. La neige a provoqué des dégâts aux habitations particulièrement celles construites en pisé. Une femme est morte sous les décombres de sa maison qui s’est écroulée. Les médias rapportent également la mort de nourrissons et plusieurs personnes ont été portées disparues dans la région de Midelt, Khenifra et Azilal. Les Irehalen (bergers transhumants) ont été les plus dramatiquement touchés par la neige et le froid car vivant sous tente et n’ayant pas d’abri pour leur bétail. En conséquence, des troupeaux entiers ont été perdus et les familles se retrouvent totalement démunies car leur cheptel était leur seule ressource.
Il est certes impossible d’éviter un phénomène climatique mais il est par contre tout à fait possible de le prévoir avec précision et de se préparer à en limiter les dégâts. De fait, les prévisions météorologiques avaient alerté sur l’épisode de grand froid et la tempête de neige mais les services publics concernés (gouverneurs, walis, gouvernement) semblent les avoir ignorés. Ils ont donc réagi, comme d’habitude, tardivement et avec des moyens dérisoires, très loin du niveau exigé par l’ampleur de la catastrophe vécue par les habitants de l’Atlas et de l’Assamer. Ainsi, le Ministère de l’Équipement a largement failli à sa mission de libérer les axes routiers notamment par le salage et l’emploi en nombre suffisant d’engins de déneigement, les ministères de l’Intérieur, de la santé, de la solidarité et de la communication ont également été largement défaillants en ne prévenant pas les populations et en ne prévoyant pas les moyens d’urgence pour aider les habitants des zones enclavées à survivre pendant quelques jours en autonomie et sans avoir besoin de se déplacer.
Plus que cela, à situation exceptionnelle le gouvernement aurait dû mobiliser des moyens exceptionnels. Pourquoi l'Atlas n'a t-il pas été déclaré zone sinistrée? Pourquoi l’état d'urgence n'a t-il pas été décrété? Dans les pays où l’Etat est au service du peuple, les catastrophes sonnent l’heure de la mobilisation générale, ce qui se traduit notamment par la réquisition de l’armée avec ses hommes et son matériel. Cette solution aurait pu permettre de dégager plus de routes, de distribuer des vivres et d’éviter les drames à des dizaines de milliers de personnes. Mais encore une fois, force est de constater que les zones rurales et de montagne habitées majoritairement par des populations amazighes, ne font pas partie des soucis du gouvernement. Cette discrimination peut être illustrée par exemple, par le fait que le premier axe routier que les autorités se sont empressées de dégager est un tronçon de 30 km entre El-Hajeb et Ifran. Cette dernière localité est célèbre par sa station de ski fréquentée par des citadins aisés et par sa prestigieuse Université privée « Al-Akhawayn », où étudient les enfants des notables du pays. Encore une fois, le Makhzen marocain préfère investir dans le riche et lucratif « Maroc utile » tout en tournant le dos à la montagne et aux déserts, ces « Bled-Essiba » des Amazighs, juste bons pour le tourisme et pour fournir les ressources naturelles. Et lorsque les Amazighs protestent contre leur marginalisation comme dans le Rif, on leur envoie policiers, gendarmes et soldats suréquipés et en surnombre.
Au Maroc de 2018, on peut vivre au 21ème siècle en prenant le TGV Casablanca-Tanger à 275 km/h comme on peut survivre au moyen âge et mourir de froid ou de manque de soins de base à Anefgou dans le Haut-Atlas. Cela est tout simplement inacceptable et le Congrès Mondial Amazigh (CMA) continuera de dénoncer sans relâche ce Maroc à deux vitesses, contraire aux valeurs humaines et aux engagements internationaux pris par l’Etat marocain.
Dans l’immédiat, le CMA exige le recensement des pertes et dégâts subis par les populations et l’indemnisation équitable des familles sinistrées à commencer par Irehalen qui sont les plus nécessiteux.
Parallèlement et dans le contexte actuel, le CMA appelle les Amazighs du Maroc, de tous les pays de Tamazgha et de la diaspora à plus de solidarité et à concevoir des alternatives basées sur leur culture et leurs traditions d’autonomie.
Paris, 1/02/2968 – 12/02/2018.
La Présidente
Kamira Nait Sid