Le 10 mars de chaque année est une journée de commémoration de l’interdiction de la conférence sur « les poèmes kabyles anciens » que devait donner l’écrivain Mouloud Mammeri le 10 mars 1980 à l’Université de Tizi-Wezzu, en Kabylie. Cette interdiction arbitraire avait suscité l’indignation et la révolte généralisées du peuple kabyle.
L’armée algérienne était alors intervenue avec une grande brutalité, faisant plusieurs dizaines de blessés et de très nombreuses arrestations, notamment le 20 avril 1980. Depuis, cette période porte le nom de Tafsut Imazighen, le printemps amazigh, célébré chaque année.
Le matin du 10 mars 2018, les Kabyles devaient célébrer le 38ème anniversaire de cet évènement en se rassemblant symboliquement devant l’entrée principale de l’Université de Tizi-Wezzu qui porte aujourd’hui le nom de Mouloud Mammeri.
De manière tout à fait autoritaire et abusive, les autorités algériennes avaient décidé d’empêcher par tous les moyens cette commémoration. La police avait mis en place un dispositif préventif dans toute la région de Tizi-Wezzu afin d’empêcher physiquement et par la force, les déplacements des citoyens vers le lieu de la manifestation. Ainsi, dans plusieurs villes de Kabylie mais aussi devant l’Université, plusieurs dizaines de Kabyles, dont des militants politiques connus, ont été arrêtés sans motif et emmenés dans différents commissariats de police pour identification et interrogatoire.
Pour cette opération, les autorités algériennes ont fait appel aux brigades de recherche et d’intervention (BRI), habituellement affectées à la lutte anti-terroriste. Leurs agents souvent habillés en civil, ont usé de méthodes d’une violence que rien ne justifie. Plusieurs personnes arrêtées ont été frappées, jetées et plaquées au sol et menottées alors qu’elles ne manifestaient aucune intention de se rebeller et ne représentaient aucune menace face aux policiers. Les interventions policières se sont soldées par des dizaines d’arrestations et des blessés. Certaines personnes interpellées ont été détenues pendant 25 heures et laissées sans nourriture, ni eau, ni soins pour les blessés et sans informer leurs familles.
Un deuxième rassemblement s’est formé spontanément le même jour à 16h à Tizi-Wezzu pour protester contre cette répression féroce mais il a été également violemment empêché par les forces de police.
Le Congrès Mondial Amazigh (CMA) met en garde les autorités algériennes contre ces agressions policières qui se répètent à l’encontre de citoyens pacifiques et ces interdictions systématiques de toute manifestation, y compris culturelle en Kabylie. Les provocations déboucheront fatalement un jour sur une déflagration sociale dont le seul responsable sera le gouvernement algérien.
Le CMA exprime de nouveau sa solidarité avec toutes les victimes de la répression en Kabylie et en appelle aux instances internationales afin qu’elles fassent obligation à l’Etat algérien de respecter de manière effective ses engagements internationaux en matière de respect des droits humains et des libertés individuelles et collectives.
Paris, 1/03/2968 – 12/03/2018
La Présidente,
Kamira Nait Sid