Maroc : non au racisme d’Etat
Le douze mars dernier, le gouvernement marocain a adopté le projet de loi n° 04.20 relatif à la nouvelle carte nationale d’identité électronique (CNIE) qui prévoit que ce document serait rédigé en deux langues, l’arabe et le français.
La langue amazighe est exclue du nouveau document d’identité et ce, malgré son statut de langue officielle et malgré la loi organique n° 26-16 du 12/09/2019 et notamment son article 21 qui stipule que «seront inscrits en langue amazighe, à côté de la langue arabe, les renseignements contenus dans les documents officiels suivants : la carte nationale d’identité, le passeport, le permis de conduire, les cartes de résidence des étrangers établis au Maroc, les différentes cartes personnelles et attestations délivrées par l’administration». Le Congrès Mondial Amazigh et le mouvement de la société civile amazighe avaient fermement dénoncé le caractère illégal de ce projet de loi et exprimé leur profonde indignation face à cet acte de racisme délibéré du gouvernement marocain envers les Amazighs et leur langue.
En conséquence, le Congrès Mondial Amazigh avait exigé du gouvernement de retirer son projet de loi pour le modifier afin de le mettre en conformité avec la loi et le cas échéant, a demandé au parlement de l’amender dans le sens du respect de la Constitution et de la législation en vigueur.
Nous nous attendions donc à ce que le gouvernement marocain se ressaisisse en mettant fin à son projet de loi aventureux, illégal, raciste et discriminatoire et que au pire, le parlement ne manquerait pas de le censurer.
C’est donc avec une grande stupéfaction et une profonde consternation que nous avons appris que la commission parlementaire de «l’intérieur, des collectivités territoriales, de l’habitat et de la politique de la ville», réunie le 15 juillet 2020, a approuvé à l’unanimité le projet de loi n° 04.20 tel qu’il a été présenté par le gouvernement. Et il est fort probable que le parlement marocain l’adopte à son tour dans les mêmes termes, dans les prochains jours.
Ainsi, les pouvoirs exécutif et législatif marocains piétinent les lois qu’ils ont eux-mêmes proposées et votées. Cela est pour le moins révoltant et aberrant pour un Etat qui se prétend démocratique et respectueux des droits de l’homme. Cela illustre également le profond mépris que cultive le gouvernement marocain et le lobby araboislamiste envers les Amazighs, ce qui est intolérable.
De fait, le projet de loi 04.20 est un nouvel acte anti-amazigh qui démontre une fois de plus l’ancrage du racisme anti-amazigh au sein de l’Etat marocain mais aussi au sein de l’ensemble de la classe politique, de l’extrême droite avec le parti islamiste dit « parti de la justice et du développement » qui dirige le gouvernement depuis près de dix ans, à la gauche avec le « parti du progrès et du socialisme », en passant par le parti de la droite panarabiste « Istiqlal », les pseudo-modernistes du parti « authenticité et modernité » et du « rassemblement des indépendants » et d’autres petits appareils politiques opportunistes. Au total, ce sont dix partis politiques qui sont représentés dans la commission qui a adopté le projet de loi 04.20, exprimant sans ambiguité leur préférence pour deux langues étrangères et l’exclusion de la seule langue autochtone, la langue mère du Maroc et de toute Tamazgha. En défendant ainsi des intérêts étrangers au détriment des intérêts nationaux, le personnel politique marocain, qu’il soit au gouvernement ou au parlement, se montre indigne de sa « marocanité » et illégitime pour diriger le pays.
A coup sûr ce projet de loi portera un coup sévère à la cohésion et à l’unité nationales. Ses auteurs et les députés beni-oui-oui qui l’ont adopté porteront une lourde responsabilité dans la déchirure du Maroc qu’il ne manquera pas de provoquer, entre le pays amazigh autochtone authentique et la nébuleuse Makhzennienne.
Les Amazighs du Maroc subissent depuis des siècles et jusqu’à aujourd’hui, différentes formes d’agressions, de violences, de privations, de spoliations et de colonisations. Les islamo-panarabistes qui détiennent tous les leviers politiques, financiers et décisionnels poursuivent avec acharnement leur stratégie d’éradication de l’amazighité dans ce pays. Ils utilisent même des « Amazighs de service » pour leur faire faire « les sales besognes » comme ce projet de loi scélérat n° 04.20 du gouvernement Saadedine El-Othmani, un Amazigh du Souss. Devant ce constat affligeant mais réaliste, les Amazighs se trouvent plus que jamais placés devant le défi de leur survie collective en tant que peuple distinct.
A court terme le Congrès Mondial Amazigh en partenariat avec des associations amazighes du Maroc, comptent réagir en portant plainte contre le gouvernement marocain, au niveau international mais également auprès de la justice marocaine, pour violation de la Constitution et de la loi mais aussi pour sa pratique de la discrimination raciale à l’encontre des Amazighs.
Le CMA appelle également les Amazighs du Maroc à exprimer leur indignation et leur rejet du racisme institutionnel au Maroc en adoptant des mesures symboliques, comme par exemple :
- Rassembler les cartes nationales d’identité des Amazighs et les renvoyer en bloc au ministère de l’intérieur,
- Refuser la nouvelle carte nationale d’identité, symbole de l’apartheid anti-Amazighs,
- Rédiger exclusivement en langue amazighe, toutes les correspondances adressées à l’administration marocaine,
- S’adresser aux agents de l’Etat exclusivement en langue amazighe,
- Encourager par tous les moyens les opérateurs économiques à communiquer en langue amazighe.
Le CMA encourage les artistes et les acteurs de la société civile amazighe à être créatifs et inventifs pour mettre en œuvre toute initiative qui va dans le sens de la mise en valeur de notre langue et culture.
Afin de ne plus subir le diktat des Etats amazighophobes, le CMA étudie également la possibilité de créer des documents officiels amazighs, notamment une carte d’identité et un passeport amazighs dont nous demanderons la reconnaissance internationale aux Nations Unies.
Dans des contextes nationaux oppressants et négateurs de leurs droits, les Amazighs n’ont pas d’autre choix que de prendre leur destin en main.
Paris, 8/07/2970 – 20/07/2020
Le Bureau du CMA.