Kabylie : non à l’exploitation du gisement minier de Tala-Hemza sans le consentement préalable, libre et éclairé de la population concernée
En créant en juin 2020, un nouveau ministère spécialement dédié à l’exploitation minière, le gouvernement algérien a mis en avant son intention de « trouver d’autres ressources naturelles hors hydrocarbures ». De fait, les réserves pétrolières algériennes se réduisent et les cours mondiaux du pétrole sont en chute libre. Le régime algérien habitué aux fastes que lui permettait la rente pétrolière et gazière, cherche donc de nouvelles sources de revenus. Mais plutôt que de les chercher dans la création de richesses grâce notamment à des ressources humaines bien formées, le gouvernement explore toujours le champ des ressources naturelles facilement et immédiatement exploitables, souvent avec le concours de firmes étrangères.
Le plan stratégique dévoilé par ce nouveau ministère comprend « la relance de la prospection et le développement des mines existantes et récemment explorées ». Ainsi, au lieu d’explorer des alternatives aux énergies fossiles polluantes et qui impactent négativement le dérèglement climatique, l’Algérie accélère la recherche et l’exploitation de nouvelles sources d’énergie fossile. Pourtant, dans sa Constitution, l’Algérie se dit « préoccupée par la dégradation de l’environnement et les conséquences négatives du changement climatique et soucieuse de garantir la protection du milieu naturel » et en conséquence, favorable au « développement durable ». Au plan international, l’Algérie a ratifié en 2016 l’Accord de Paris sur le climat qui prévoit notamment : « la protection de la santé des personnes, la préservation, la protection et l'amélioration de la qualité de l'environnement, l'utilisation prudente et rationnelle des ressources naturelles, la promotion, de mesures destinées à faire face aux problèmes régionaux et planétaires de l'environnement, et en particulier la lutte contre le changement climatique ».
Mais dans la pratique, l’Algérie ignore tout de ses engagements nationaux et internationaux. Comme l’indique clairement le ministère des mines, l’Algérie se relance intensivement dans les industries extractives. Parmi les nouveaux sites dont l’exploitation est programmée pour le premier trimestre 2021, figure un gisement de zinc et de plomb situé sur le territoire de la Commune de « Tala Hemza », dans la Wilaya (province) de Vgayet en Kabylie. Ce gisement est présenté comme un des plus grands au monde.
Afin d’assurer son exploitation, le gouvernement a déjà créé un joint-venture avec une firme australienne, dénommé « Western Mediterranean Zinc », et a lancé avec l’université de Vgayet et des partenaires privés, un plan de formation pour le personnel technique de la future mine de Tala-Hemza.
Tant de précipitation interroge et inquiète la population, qui n’est ni informée, ni consultée. Et comme à son habitude, le gouvernement algérien tente d’imposer le fait accompli et se donne une pseudo-légalité en se référant à sa loi minière n° 14-05 du 24/02/2014 dont l’article 2 indique: « Sont propriété publique, bien de la collectivité nationale, les substances minérales ou fossiles découvertes ou non découvertes, situées dans l'espace terrestre national du sol et du sous-sol ou dans les espaces maritimes relevant de la souveraineté de l'Etat algérien ou du droit algérien ». Or il est important de noter que la source de cette loi est le droit français qui servait à exproprier les autochtones de leurs terres et ressources naturelles durant la période de la colonisation française. Autrement dit, l’Algérie poursuit la spoliation des autochtones Amazighs en appliquant la législation coloniale française.
En revanche, le droit international est totalement ignoré, certainement parce qu’il est en faveur des propriétaires autochtones, notamment les articles 1 et 2 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et les articles 19, 26, 29 et 32 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Ces articles indiquent notamment que « les peuples autochtones ont le droit aux terres, territoires et ressources qu’ils possèdent et occupent traditionnellement », qu’ils « ont le droit de posséder, d’utiliser, de mettre en valeur et de contrôler les terres, territoires et ressources qu’ils possèdent parce qu’ils leur appartiennent ou qu’ils les occupent ou les utilisent traditionnellement ». Ces articles précisent également que les peuples et communautés autochtones ont « le droit d’assurer librement leur développement économique, social et culturel » et dans ce but, ils « disposent librement de leurs richesses et de leurs ressources naturelles » et « en aucun cas, un peuple ne pourra être privé de ses propres moyens de subsistance ». Enfin, le droit international énonce l’obligation pour les Etats et les entreprises d’obtenir des peuples et communautés autochtones concernés, « leur consentement, donné librement et en connaissance de cause, avant l’approbation de tout projet ayant des incidences sur leurs terres ou territoires, notamment en ce qui concerne la mise en valeur, l’utilisation ou l’exploitation des ressources minérales, hydriques ou autres ».
En conséquence, en voulant s’approprier indûment les terres et territoires de la communauté kabyle concernée, en ne prenant aucune initiative en vue d’informer de manière complète et transparente et de consulter de bonne foi, en vue d’obtenir le consentement éventuel de cette communauté, le gouvernement algérien agit en dehors de la légalité internationale.
Conformément à sa mission, le Congrès Mondial Amazigh (CMA) actionnera tous les moyens légitimes au niveau local et international, afin que le droit international s’impose dans l’intérêt de la communauté kabyle concernée. Le CMA qui travaille sur les questions des terres, territoires et ressources naturelles des Amazighs depuis plus de vingt ans, se tient aux côtés de la communauté kabyle de Tala-Hemza et de la région, et lui recommande :
- de désigner librement ses représentants pour assurer le suivi de ce projet,
- de décider que seuls les représentants dûment désignés par la communauté pourront être en contact avec les autres parties intéressées (le gouvernement, les entreprises…),
- de réclamer une étude de faisabilité et d’impact de ce projet, avec ses volets technique, financier, économique, social, et environnemental,
- cette étude devra être effectuée par un organisme qualifié et indépendant, autrement dit international,
- informer régulièrement les populations locales en langue amazighe-kabyle.
Paris, 21/01/2971 – 02/02/2021
Le Bureau du CMA.