Monsieur Chakib Benmoussa
Ministre de l’Education Nationale
Bab Rouah – Rabat – Maroc
Monsieur le Ministre,
Le 23 mai 2023, vous avez adressé une note circulaire à tous les directeurs de votre administration, ainsi qu’aux inspecteurs et chefs d’établissements, pour les informer de votre décision de mettre en œuvre le processus de généralisation de l’enseignement de la langue anglaise au collège, dès la rentrée scolaire 2023-2024.
S’il ne nous appartient pas de commenter votre décision de développer l’enseignement d’une langue étrangère, en revanche, c’est l’occasion pour nous, en notre qualité d’ONG de protection et de promotion des droits des Amazighs, de vous interpeler vivement M. le Ministre, sur les graves discriminations dont vous êtes responsable à l’encontre de la langue amazighe, langue autochtone du pays, ayant de surcroit le statut de langue officielle. Car au moment où vous assurez la promotion d’une langue étrangère, Tamazight reste largement marginalisée, enseignée dans un nombre limité d’établissements scolaires uniquement du niveau primaire et pour un nombre d’apprenants qui n’augmente pas. Si vous étiez un tant soit peu respectueux des lois du pays et de la logique des choses, c’est avant tout la langue amazighe qui aurait dû être votre priorité, en veillant à la généralisation de son enseignement de l’école primaire à l’université.
Lorsque votre gouvernement est interrogé sur les raisons du blocage de l’enseignement de la langue amazighe, la réponse est toujours la même : pas de budget, manque d’enseignants, manque d’infrastructures scolaires, etc. Pouvez-vous nous expliquer M. le Ministre, pourquoi les moyens existent lorsqu’il s’agit de développer une langue étrangère et absents pour Tamazight ?
S’il en était besoin, nous vous rappelons, M. le Ministre, la Constitution en vigueur qui stipule depuis 2011 que « l'amazighe constitue une langue officielle de l'État » et la loi organique n° 26-16 du 12/09/2019, relative à « la mise en œuvre du caractère officiel de la langue amazighe et aux modalités de son intégration dans l’enseignement et dans les différents secteurs de la vie publique ». L’article 3 de cette loi mentionne que « l’enseignement de la langue amazighe est un droit », l’article 4 prévoit « l’intégration généralisée de la langue amazighe dans tous les niveaux de l’enseignement préscolaire, primaire, secondaire collégial, secondaire qualifiant et de formation professionnelle » et l’article 31 précise que les dispositions de l’article 4 doivent être appliquées dans un délai maximum de cinq (5) ans. Autrement dit, la généralisation de l’enseignement de Tamazight devrait être effective dès la rentrée 2024-2025. Pouvez-vous confirmer à l’opinion publique, M. le Ministre, que Tamazight sera enseignée dans toutes les classes et à tous les niveaux des différents cycles scolaires dans un peu plus d’un an comme la loi vous y oblige?
Et dans le même ordre d’idées, outre la page en Tamazight sur le portail internet de votre ministère, pouvez-vous expliquer quelles seraient les prochaines étapes pour intégrer la langue autochtone du Maroc au sein de votre propre département ministériel, pour la hisser au même niveau que la langue arabe, sans discrimination ?
Pour résumer, jusqu’à quand allez-vous continuer de priver des millions d’Amazighs de leur langue maternelle ? Quand comptez-vous respecter les lois et les droits des Amazighs de votre pays M. le Ministre ?
Dans l’attente impatiente de vos réponses, nous vous prions d’agréer, M. le Ministre, l’expression de notre considération distinguée.
Paris, 18/05/2973 – 30/05/2023
Le Bureau du CMA.